LES BUNKERS

Le conseil stupide que tout le monde donne.

Si j’avais eu un skittle chaque fois que quelqu’un m’a donnĂ© ce conseil, j’en aurais probablement assez pour fournir une gang d’adolescentes excitĂ©es qui vont voir « Glee » au cinĂ©ma pour la premiĂšre fois (ou peu importe ce que les adolescentes Ă©coutent de nos jours).

« Think Big! Cible la France, traduis ton contenu! Essaie de percer aux États-Unis et dans le reste du Canada! »

Je me demande vraiment ce qui donne envie Ă  tout le monde de vouloir me « coacher ». Disons que je n’en ferai pas tout un plat et je vais mettre ça sur le dos de mon jeune Ăąge (mais sĂ©rieusement, je n’ai pas le temps pour les coachs non sollicitĂ©s).

Ceci Ă©tant dit, je veux ĂȘtre trĂšs clair sur quelque chose
 Ce conseil est con. En fait, c’est un des pires conseils qu’on puisse donner Ă  quelqu’un qui part sa premiĂšre entreprise. Alors si tu as dĂ©jĂ  prodiguĂ© cette piĂšce de bullshit inutile Ă  un apprenti entrepreneur, je te recommande fortement de faire un tour au confessionnal et de mettre cette pĂ©riode sombre derriĂšre toi.

Tu te demandes sans doute pourquoi c’est si un mauvais conseil que ça, eh bien si c’est le cas, ferme Facebook et prend 5 minutes de ton temps pour lire cet article. (Do it)

Ton avantage compétitif déloyal

Tu l’ignores sans doute, mais tu possĂšdes une quantitĂ© impressionnante d’informations sur la culture dans laquelle tu as grandi. La comparaison n’est pas mĂ©chante, mais tu es comme un peu comme un poisson qui ne rĂ©alise pas qu’il est dans l’eau — tu ne rĂ©alises pas la valeur compĂ©titive d’ĂȘtre QuĂ©bĂ©cois lorsque tu dois dealer avec d’autres QuĂ©bĂ©cois.

Tu pars non seulement avec un avantage déloyal, mais les étrangers partent avec un désavantage.

Les firmes anglophones ont de la difficultĂ© Ă  percer le marchĂ© QuĂ©bĂ©cois parce que tout est diffĂ©rent! La langue, l’humour, les lois, ce qu’il est permis de dire (ou pas)


Pourquoi voudrais-tu jeter un avantage aussi important par la fenĂȘtre?

Le survivor bias.

55.5% du contenu sur Internet est en anglais1. Pourtant, les anglophones ne représentent que 5.5% de la population mondiale2.

Tenter de se tailler une place dans ce marchĂ© revient Ă  essayer de se tailler une place dans la piscine Ă  vague de Valcartier un dimanche pendant les semaines de la construction. C’est juste innocent.

Le marchĂ© est tellement gros que ça a attirĂ© beaucoup trop de compĂ©tition, ce qui fait en sorte que rĂ©ussir aux États-Unis ne demande pas le mĂȘme niveau de compĂ©tence que de rĂ©ussir au QuĂ©bec.

Aux États-Unis, la compĂ©tition ressemble Ă  un gros match de Jujitsu dans un fighting pit Russe; tandis qu’au QuĂ©bec, c’est plus comme un match de curling amateur.

Le plus ridicule, c’est que pour chaque startup qui fait faillite, 10 autres se lancent dans exactement le mĂȘme crĂ©neau.

On se croirait Ă  Pearl Harbor et tout le monde essaie d’ĂȘtre Ben Affleck. Il y a un nom pour ça : survivor bias.

La plupart des startups ne vont nulle part, mais celles qui survivent amassent des milliards. Tout le monde parle du gros lot, tout le monde parle de Snapchat et d’Uber, mais personne ne parle de toutes les autres startups qui ont Ă©chouĂ©.

Et lorsqu’on en parle, on Ă©voque un manque de compĂ©tence ou un manque de vision, mais la rĂ©alitĂ© est que plusieurs dizaines d’entreprises aussi qualifiĂ©es et aussi financĂ©es que Facebook se sont lancĂ© au mĂȘme moment. Le principal facteur qui place Mark Zuckerberg est le 6e homme le plus riche du monde est qu’il a Ă©tĂ© chanceux. Sans l’investissement de Peter Thiel, notre bon vieux Mark aurait probablement fini son diplĂŽme Ă  Harvard comme les milliers d’autres petits gĂ©nies comme lui.

Pour une raison qui m’échappe, la chance est aussi taboue en entrepreneuriat que la porn dans l’éducation sexuelle des enfants. On sait que ça joue un rĂŽle important, mais on aime mieux faire comme si ça n’existait pas.

Le marché est rempli de talent et de passion. Alors il faut faire attention pour ne pas trop se penser « spécial », traiter son complexe de Dieu et ajuster son plan en conséquence.

Ça veut dire qu’il faut dĂ©couvrir quels sont ses avantages dĂ©loyaux et rĂ©aliser qu’on est mieux d’ĂȘtre le gros poisson dans un petit aquarium que d’ĂȘtre un tĂȘtard dans un ocĂ©an de requins.

La lutte vers le haut.

Plus tu te niches, plus ton service répond aux attentes de ton audience.

Ça veut que si tu veux manger des sushis, un restaurant qui ne sert que des sushis va mieux rĂ©pondre Ă  ton besoin qu’un IGA. Par consĂ©quent, tu vas ĂȘtre prĂȘt Ă  payer beaucoup plus cher pour ton sushi.

Au moment oĂč tu lis cet article, deux phĂ©nomĂšnes se produisent simultanĂ©ment dans notre Ă©conomie. La course vers le haut et la course vers le bas3.

La course vers le bas reprĂ©sente une situation dans laquelle plusieurs entreprises se chicanent pour avoir le plus de parts de marchĂ© possible dans un gros marchĂ©. Pense Ă  Wal-Mart. Puisqu’il s’agit d’un gros marchĂ©, le produit est gĂ©nĂ©rique et la seule façon d’avoir un avantage compĂ©titif est de baisser les prix.

Cependant, si tu tentes de gagner des parts de marchĂ©s en coupant les prix, dis-toi qu’une autre entreprise va toujours ĂȘtre prĂȘte Ă  couper les prix encore plus. Ta stratĂ©gie se transforme vite en spirale infernale qui dĂ©truit les profits de tout le monde sur son passage.

Pendant ce temps


Plusieurs entreprises ont rĂ©alisĂ© qu’Internet donne accĂšs Ă  un bassin de population beaucoup plus important tout en rĂ©duisant l’overhead, ce qui rend les petits groupes marginaux excessivement profitables.

1% de la population dans une ville de 150 000 habitants comme Trois-Riviùres, ce n’est pas assez pour permettre d’investir dans un local, un inventaire, etc.

Par contre, 1% de 8.2 millions de QuĂ©becois, c’est largement suffisant pour justifier le peu d’investissement nĂ©cessaire pour crĂ©er un site web!

Il ne s’agit pas d’un exemple QuĂ©bĂ©cois, mais je crois que son entreprise mĂ©rite une mention. Queens of snowglobes est une entreprise trĂšs rentable qui se concentre sur la vente de boules de neige personnalisĂ©es. Sur leur site, on peut voir qu’une seule boule de NoĂ«l peut coĂ»ter jusqu’à 2000$ USD!

Est-ce qu’une bonne proportion de la population est prĂȘte Ă  payer autant pour une boule de NoĂ«l? Probablement pas! Mais c’est justement ce qui lui permet de charger autant!

PréfÚres-tu participer dans une course vers le haut? Ou une course vers le bas?

Sous-estimer la taille du marché.

Je crois bien que tous ceux qui me recommandent de m’attaquer Ă  un marchĂ© plus gros entrent dans une de ces deux catĂ©gories :

  1. Ils ne se sont pas renseignés sur la taille réelle du marché.
  2. Ils sont mégalomanes.

Le QuĂ©bec est habitĂ© par 8.2 millions d’individus et son Ă©conomie est soutenue par environ 250 000 PME.

À 495$ par formation, je dois en vendre 202 par an pour ĂȘtre capable de gĂ©nĂ©rer 100 000$ de revenus annuel, ce qui reprĂ©sente un taux de pĂ©nĂ©tration de 0.08%.

Si je rejoins 1% des entreprises, ça va me faire un revenu d’environ 1 237 500$ par an.

Si 1% de part de marchĂ© me donne assez d’argent pour aller 4 fois et demie dans l’espace avec Virgin Galactic4 chaque annĂ©e(donc Ă  ne plus savoir quoi en faire), la question que je me pose est : pourquoi je voudrais me rendre la vie difficile dans un marchĂ© que je ne connais pas sous prĂ©texte que le plafond est plus haut?

Ce que je veux dire, c’est qu’au QuĂ©bec, la tarte est pas mal plus grosse que ce qu’on pense.

Et pendant qu’on lĂšve le nez dessus parce qu’on ne la trouve pas assez grosse (ou prestigieuse), elle se retrouve monopolisĂ©e par une couple de gros tas qui se gavent abondamment, terminant de peine et de misĂšre leur gigantesque portion. Je veux te rassurer : la tarte est assez grosse pour tout le monde et elle est dĂ©finitivement assez grosse pour toi.

La communauté.

Avoir accÚs à un influenceur peut vraiment te donner un bon coup de pouce lorsque tu démarres une entreprise.

Le problĂšme, c’est que plus l’influenceur est sollicitĂ©, plus il fait sa diva et moins il va ĂȘtre susceptible de t’aider.

Je connais une jeune geek de St-Tite qui anime une communautĂ© pour femmes entrepreneures. J’aurais bien aimĂ© faire la promotion de son contenu puisque je trouve son travail trĂšs inspirant! Malheureusement, elle a dĂ©cidĂ© de se lancer en anglais.

**EDIT** Elle vient de se faire une page en français, go check it out!

Elle doit donc se tourner vers les influenceurs anglophones, qui sont beaucoup plus en demande.

Si tu envoies un courriel Ă  Kim Auclair, Guillaume Bareil ou FrĂ©dĂ©ric Therrien, tu peux ĂȘtre certain qu’ils vont au moins te lire et qu’ils vont mĂȘme probablement te rĂ©pondre.

J’ignore si tu as dĂ©jĂ  tentĂ© d’entrer en contact avec Seth Godin, Tim Ferris ou Guy Kawasaki, mais je doute que tu vas avoir une rĂ©ponse dans les 24h
 Ou les 24 prochaines annĂ©es.

Mais je sais ce que tu vas me dire
 Probablement qu’il existe des influenceurs intermĂ©diaires plus accessibles avec qui c’est possible de tisser des liens sans ĂȘtre soi-mĂȘme une rock star. Par contre, je dirais que c’est diffĂ©rent lorsqu’on demande de l’aide Ă  quelqu’un de notre propre tribu (pas dans le sens oĂč tu danses en pang autour d’un feu de paille, mais dans le sens oĂč tu fais partit d’un groupe culturel).

Ça revient un peu Ă  l’avantage dĂ©loyal que j’expliquais plus tĂŽt. Les QuĂ©bĂ©cois veulent voir d’autres QuĂ©bĂ©cois rĂ©ussir. C’est faux de penser que tout le monde veut nous mettre des bĂątons dans les roues — on est au QuĂ©bec, pas dans un film western.

On veut t’aider, on veut te voir rĂ©ussir. Mais pour qu’on puisse t’aider, il faut que tu acceptes de servir ta tribu (et pas celle d’à cĂŽtĂ©!).

Conclusion!

Je sais que ce que j’ai dit risque de rendre certaines personnes mal Ă  l’aise. Je ne donne pas le mĂȘme conseil qu’on lit dans les bouquins universitaires, j’en suis conscient.

Mais si j’ai la chance de connaĂźtre un peu de succĂšs prĂ©sentement, c’est justement parce que je me retiens pour ne pas m’emballer dans des idĂ©es de grandeurs irrĂ©alistes.

J’aimerais connaĂźtre ton point de vue. Crois-tu que c’est bien de se nicher au QuĂ©bec ou crois-tu qu’il faut absolument s’ouvrir vers d’autres marchĂ©s?

Références:

1 https://en.wikipedia.org/wiki/Languages_used_on_the_Internet

2 https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_languages_by_number_of_native_speakers

3 http://sethgodin.typepad.com/seths_blog/2005/04/race_for_the_to.html

4 http://edition.cnn.com/2013/08/15/travel/virgin-galactic-250000-ticket-to-space/

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