LES BUNKERS

IA : apocalypse, opportunité ou bullshit ?

Sur l’IA, tout le monde a un avis, même tata Jeanine!

Comme tous ceux qui suivent de près l’actualité web, lorsque ChatGPT a été mis à disposition du grand public début 2023, je me suis rué dessus. J’ai joué avec toute une matinée, j’ai trouvé ça génial, puis j’ai fait le coq à table devant mes collègues qui restaient médusés devant mon exposé. 

Comme souvent dans ces conversations, chacun y allait de son petit commentaire : « on vit dans un monde de fou » ; « c’est un truc de geek » ; « est-ce qu’il fait le café aussi ? »…

6 mois plus tard, on ne parlait quasiment plus que d’IA dans les médias, même la guerre en Ukraine paraissait s’être déroulée au moyen-âge. Mes collègues m’avaient catégorisé « expert IA », et ne manquaient pas de m’intégrer dans les débats de la pause café.

Il n’y a pas à dire, quoi qu’on en pense, quels que soient les vices ou les vertus qu’on lui prête, l’intelligence artificielle s’est imposée comme objet social vis-à-vis duquel nous n’avons plus le choix que de nous positionner, un peu comme l’écologie il y a quelques années.

Si tout le monde en parle, c’est bien qu’il y a un truc…

L’IA est un élément, et même pourrait-on dire un événement, disruptif. L’exploration de ses potentialités m’a fait la même impression, pour ceux qui sont de ma génération, que les logiciels de partage peer-to-peer type Kazaa ou E-mule au début des années 2000. Petit voyage dans le temps, la toute première fois qu’un camarade de classe a lancé sous mes yeux ébahis une dizaine de téléchargements en peer-to-peer, je suis resté pantois. 

Je me revois lui dire « Ne me dis pas que tu as la FNAC gratuit sur ton PC ! » alors que je continuais à acheter mes albums à 20€ les 15 titres. Chaque génération a ses chocs technologiques, pour mes parents, ce fut le four à micro-ondes qui était le summum de la modernité. 

Comme à chaque tournant majeur, évidemment, tous les petits malins enclenchent la seconde dans leur esprit : il y a certainement du pognon à en tirer ! Lorsque l’économie s’invite dans la techno, c’est la boule de neige. Le moindre ado addict aux écrans s’improvise expert en 48 heures pour monétiser l’effet de nouveauté. Le bolide IA est lancé à toute berzingue et il devient inarrêtable. 

Mais ce n’est même plus une techno, c’est une religion !

Puisqu’il faut se positionner, allons-y. Un petit tour sur les réseaux, notamment Twitter, devenu 𝕏, montre l’étendue des spéculations autour de l’IA.

Il y a les conservateurs qui y voient une menace pour nos chères têtes blondes. Les jeunes ne sauront bientôt plus écrire, plus penser par eux-mêmes, ils perdront le sens de l’effort intellectuel et le goût des vraies valeurs.

Il y a les enthousiastes qui mettent tous leurs espoirs dans les capacités de l’IA : une délivrance vis-à-vis des tâches pénibles et ingrates, l’ouverture vers une société technologique exponentielle et les rêves de science-fiction des années 80 devenus réalité. Bientôt, nous aurons enfin notre puce multifonctions implantée, l’ordinateur quantique, le robot-gouvernante qui fait vos tâches ménagères (et le café), l’éradication du cancer, la colonisation de Mars et j’en passe.

De l’autre côté du spectre, nous trouvons les prophètes de malheur qui perçoivent dans l’IA une accélération tout aussi exponentielle, mais vers l’apocalypse de l’homme devenu incontrôlable. Mêlé à un zeste de complotisme, ça vous donne généralement la vision d’un avenir avec une élite de 10% de la population qui se sera accaparé toutes les ressources terrestres, technologiques et financières et qui exploitera les 90% restants par la peur, l’abrutissement et le divertissement. 

Pourquoi pas! Après tout, qui a tort ? Qui a raison ? 

Peut-être un peu des trois à la fois. Et vous lecteur, vers quel penchant de la balance vous situez-vous ? Essayons de débroussailler tout cela.

Le blogger et l’IA, dissection

Évidemment, l’analyse que je déroule là sera sujet à débat et à controverse. En toute modestie, je ne prétends pas détenir la clé profonde de la question. Toutefois, je propose des éléments de réflexion qui je pense sont nécessaires au milieu de cette euphorie ambiante. 

Revenons un peu sur le plancher des vaches et examinons plus précisément ChatGPT à la loupe. Mon regard sera celui qui m’est propre, c’est-à-dire en tant que blogger internet orienté sur l’analyse des comportements psychologiques dans le business en ligne.

Le professionnel qui se plonge dans ChatGPT et certains outils IA aura toujours ce double sentiment : 

  • Oui, il s’agit d’un outil qui fait ce que ne font pas les autres, il y a du potentiel à exploiter.
  • Non, ce n’est pas la panacée, le filtre de l’intelligence humaine reste indispensable.

Avec une relative expérience dans l’écriture, je suis également passé par ces phases. 

ChatGPT est un super-google doublé d’un super-Wikipédia en format assistant personnel.

En effet, le drame actuel des moteurs de recherche, c’est qu’internet s’est tellement développé sans aucun filtre, qu’on y trouve aujourd’hui tout et n’importe quoi. Hélas, surtout n’importe quoi. Essayez donc d’accéder à de l’information très précise et de qualité professionnelle sur simple recherche et sans avoir de références préalable, bon courage ! Il faudra ouvrir une dizaine de sites, chercher des liens, bref, même pas sûr que vous y arriviez.

ChatGPT permet il est vrai de donner des réponses qui économisent beaucoup de pertes de temps. A condition de savoir quoi et comment lui demander bien entendu…

L’IA répond à des besoins « pif, paf, pouf ». C’est incontestable

Utilisation pratique de ChatGPT : l’aide à l’inspiration. Vous peinez à écrire un article, un rapport ou un devoir à rendre, l’IA vous met sur la voie avec des suggestions. « Tiens, c’est vrai que je n’avais pas pensé à ça ». L’IA stimule la créativité et la mémoire, elle ouvre de nouvelles perspectives de réflexion. 

Formidable capacité de ChatGPT : le style tuto pratique et rapide. C’est d’ailleurs beaucoup sous cet angle qu’il est utilisé dans le business en ligne. Vous pouvez créer du contenu en masse, de qualité acceptable et en particulier sur les sujets que vous ne maîtrisez pas complètement. En gros, c’est de la création de fiche Wikipédia personnalisée. L’avantage principal réside dans sa capacité de synthèse, la structuration et l’intelligibilité du propos.

Enfin évidemment, lorsqu’un robot résout des problèmes de robots, là il est dans sa quintessence. ChatGPT vous produira du code informatique, vous donnera tous les conseils possibles pour résoudre des problèmes matériels ou techniques. Demandez-lui des conseils pour performer aux échecs ou bien pour carreler votre cuisine, aucun problème en termes de fiabilité de l’information.

Les capacités et les perspectives de l’IA sont sans appel. Si je me place dans mon champ de compétence, le blogging, je perçois bien certaines applications que je peux en tirer. J’ai besoin d’une illustration personnalisée, pif, paf, pouf, j’ai encore mieux que ce que j’avais imaginé. J’ai besoin d’une idée sur un thème que je maîtrise mal, pif, paf, pouf. Je suis en manque d’inspiration devant ma feuille blanche, pif, paf…vous m’avez compris. Il n’y a pas à dire, c’est génial et même fascinant.

Finalement l’IA aide, même beaucoup, mais ne doit surtout pas faire à la place de…

Oui mais voilà. Si l’IA se substitue bien et même parfois mieux au cerveau du professionnel, le remplacement de la main du créateur est plus discutable. 

Du point de vue de l’illustration, à ce jour, c’est très clair. Les images générées sont certes impressionnantes, mais on retrouve toujours un peu ces mêmes styles 3D psychédéliques, cartoon ou manga (jugement très personnel, mais ça me fait penser aux cartes Magic de mon enfance). Gageons que les progrès en la matière nous offriront une palette artistique plus large. 

ChatGPT quant à lui n’est pas encore vraiment capable d’écrire un article entier de qualité trop pointue et avec de la nuance subtile, en particulier s’il y a une composante émotionnelle ou psychologique à intégrer.

Ce sera souvent grossier au moins par endroits et le filtre de la relecture du spécialiste est absolument indispensable. L’IA agit en bon premier de la classe en vous servant un magnifique rendu descriptif, parfois il est vrai avec un voile de style littéraire. Mais quelle platitude ! Il n’y a pas d’âme et ça se sent. ChatGPT et consorts ne sont pas encore capables d’y mettre « leur patte ». Cette petite touche indescriptible qui caractérise l’auteur de talent et lui donne son charme. Même si vous êtes un as du prompt, l’IA ne saura pas glisser cette petite phrase pleine d’esprit qui plaira aux lecteurs initiés, ce synonyme porteur d’un sens tout particulier, cette rupture de style qui viendra mettre de l’emphase dans un paragraphe, etc.

« Attends encore 5 ans et on en reparle ». Non Monsieur. Désolé.

« Attends 5 ans que la technologie évolue encore » me rétorque-t-on souvent un peu comme un faux-fuyant de mauvaise foi. Admettons. Admettons que ChatGPT développe cet art de l’écriture qui réussit à feindre extraordinairement bien un auteur à force de datas et de complexité de code. Il remplacera sa main de mieux en mieux, mais jamais au grand jamais il n’aura accès à son œil et encore moins à son cœur. Je m’explique en me prenant comme exemple.

Usant régulièrement du style satirique, de l’ironie, du second voire du troisième degré, j’exploite, à mon niveau, cette habileté de l’intelligence humaine à déduire grâce à ses émotions. Un instant… relisez juste la phrase juste précédente svp. J’y ai volontairement glissé l’incise « à mon niveau » qu’il est indispensable pour moi d’exprimer à cet endroit. Elle y traduit la modestie que je tiens à souligner dans mon approche afin de ne pas passer pour trop prétentieux ou sous-entendre des qualités que je n’aurais pas. Ça, ChatGPT n’aurait pas pu le déduire. Et pourtant le sens s’en retrouve considérablement changé. 

Au moment d’écrire ces lignes, par curiosité, j’ai prompté sur mon téléphone : « Es-tu capable de méta-analyse ? C’est-à-dire d’avoir une réflexion à propos des réflexions que tu génères ? ». Je vous laisse faire le test et regarder la réponse, elle est accablante. Penser qu’il pense est le propre de l’Homme. Pas de l’IA. Mais là, nous rentrons dans des considérations plus philosophiques.

L’IA va-t-elle tous nous remplacer ?

Finalement, les bloggers, écrivains et journalistes ont de beaux jours devant eux. De mêmes que les artistes, psychologues, sociologues, marketeurs et analystes. L’IA ne pourra pas remplacer l’IH (intelligence humaine) car elle n’est pas de la même nature. Par définition, comme elle se veut le plus parfaite possible, plus elle s’améliorera, moins elle ne pourra coller à la pâte humaine, celle qui est remplie de contradiction et d’absurdité. 

C’est comme si vous pensiez qu’en améliorant toujours plus la qualité d’un gâteau, les hommes finiront par ne plus manger que cet aliment plutôt qu’une viande ou un légume. C’est comme si sous prétexte de pouvoir utiliser une voiture, plus personne ne prendrait goût à ralentir au rythme d’une ballade à pieds. Sans forcément de raison rationnelle explicable. Parce que l’Homme a aussi sa part de mystère. Parce que si vous voulez chanter sous la douche sans autre motivation que mettre en œuvre votre liberté de le faire, vous le pouvez et vous avez bien raison.

L’IA n’est pas capable de jugement, d’intuition, de sens critique, d’émotions, de relations, de déduction au-delà des mots, d’irrévérence ou d’empathie… Elle n’est même pas capable stricto sensu de se tromper (même si elle le fait parfois). « Se tromper » est un jugement humain finalement très relatif, et ce peut être parfois l’occasion de nouvelles découvertes extraordinaires. Demandez à un artiste peintre, tout son talent réside dans sa capacité à tirer de l’erreur une valeur artistique supplémentaire. Le vrai créateur ne donnera pas deux rendus identique pour deux commandes exactement similaires. Or, si vous êtes sensibles à une certaine esthétique des choses, vous conviendrez que c’est justement tous ces paramètres qui différencient le génie du pur technicien exécutant.

A quoi s’attendre dans les prochaines années ? 

En résumé, l’IA menace probablement certains métiers purement techniques ou de faible valeur ajoutée. Faut-il s’en apitoyer ?

Chacun se fera son opinion, mais la marche du monde depuis les siècles a vu l’évolution technologique éteindre certaines activités et en ouvrir d’autres. Ce débat a existé avec l’apparition de la photocopieuse censée tuer le livre, des graveurs de CD-ROM, mais également de l’automobile. J’imagine que ce fut aussi le cas pour la charrue ou l’ampoule électrique qui a dû faire fermer boutique à nombre de marchands de lampes à huile. Jusque-là, l’humanité s’en est plutôt bien tirée. Elle s’est adaptée à sa propre faiblesse (tiens encore un concept étranger à l’IA, s’améliorer grâce à une auto-analyse de ses limites). Qui s’apitoie aujourd’hui de la disparition des opérateurs dans les cahutes d’autoroute ? Même lorsque les caissières de supermarché sont remplacées, on n’a jamais vu autant de petits commerce de proximité se développer. Je m’autorise donc à être optimiste quant à l’avenir.

Aristote, de Vinci ou Bach sont-ils menacés d’être désormais taxés d’amateurisme dans leurs œuvres face aux productions du Dieu IA ? Encore une fois, rendons à César ce qui est à César. L’IA ne sort pas de nulle part. Elle est précisément l’agrégation des datas qui se sont construites autour de ces penseurs et de leurs millions de disciples. L’IA, c’est sa nature intrinsèque, aura donc toujours un maître : l’Homme. Ouf. Finalement, est-ce bien l’IA ou ne serait-ce pas plutôt ses utilisateurs qui représenteraient potentiellement une menace pour l’humanité ? Ne nous trompons pas de cible. En attendant, comme ni l’IA ni nous ne peut prédire l’avenir, utilisons ChatGPT et ses petits copains à notre profit, ça reste un outil bien pratique.

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